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Kongo River-Kenya

L'histoire

funeste expérience

 

         Tu ne peux désespérer des hommes puisque tu es un homme toi même [Einstein]

       Je resterai toujours le premier à m'être fuit, avant ma femme, mes amis, ma famille, mes enfants même, pour finir plombé définitivement par l'alcool et les paradis artificiels comme on les nomme fort injustement. C'est dans cet état que je me présente devant mon médecin traitant en ce jour de novembre 2001. C'est un homme ravagé qu'il reçoit. Le divorce en 1996 avait été dur mais étais-je encore "aimable" d'aucune femme de toute façon? Une cure antérieure n'avait rien changé à mes consommations. Alors de qui donc pouvais-je attendre un soutien, maintenant que ma famille même me tournait le dos?

      Mon patron? Il utilisa largement cette période pour tenter de m'anéantir. Me harcelant sans cesse via ses collaborateurs, me rajoutant des missions, m'ôtant certaines attributions, me convoquant sans ordre du jour devant une sorte de "tribunal" qu"il choisissait, allant jusqu'à changer la serrure de mon bureau directorial pendant une de mes hospitalisations, il redoublait de hargne afin de me voir craquer. Bien sûr tant que je servais son ego et ses ambitions, j'étais l'objet de tous les soins. Le conservatoire que je dirigeais comptait 500 élèves (pour une commune de 7000 âmes!), les orchestres caracolaient, les concerts ne désemplissaient pas. L'agrément du ministère de la culture (Le dernier de Jack Lang d'ailleurs) arrivera même en point d'orgue à cette extraordinaire réussite collective. Mais voilà donc que vint le temps de la disgrâce. Quand on ajoute la souffrance ultime de ne voir mes enfants qu' 1 weekend sur deux et dans un état misérable, le terrible remord s'abat sur vous et on termine en CHS. Dur dur de sortir d'un endroit pareil! Revenons ce jour de novembre où je retrouve mon poste après 10 jours passé chez les foldingues.Je subis au travail une violence inouïe là où j'attendais tellement de compassion. Et de me rendre compte que l'alcool est un fléau pour celui qui boit, et pour celui qui assiste au funèbre spectacle. Les mêmes qui reconnaissent pourtant l'alcoolisme comme une "maladie" mais qui se montrent obtus et fermés quant il s'agit de comprendre et d'aider le malade.

         Mon docteur (Appelons le Dr Charron) a ordonné une recherche sanguine et là, patatras je suis porteur du VHC, autrement dit virus de l'hépatite C, génome 1 avec une charge virale énorme. Il me recommande un gastro antérologue (Appelons le Dr Protte). Confirmation! Et cet homme me parle. Il trouve les mots justes, emprunts de bonté et d'intelligence. Je me retrouve le soir même seul à la maison. Nous sommes en décembre 2001, avant veille de Noël que je m'apprête à passer seul. Ce praticien vient de me sauver bien plus que la vie. Il vient surtout de sauver mon âme.

        Première étape: L'arrêt de l'alcool. C'est ma décision en ce mois de janvier 2002. Je ne m'autorise pas à en finir ainsi. Je me fous pas mal de l'opinion publique mais je le décide pour moi et si je dois partir ce ne sera pas dans cet état. Et arrêtons de nous trouver des prétextes à l'addiction. D'en accuser les gens, les circonstances.Comme je n'ai eu besoin de personne pour commencer à boire, je n'ai besoin de personne pour stopper net. Enfin vaincre ce virus est un beau projet non? Mon gastro antérologue  me recommande un addictologue remarquable (Appelons le Dr Pirolet) et son équipe. Je rentre en cure le 15 mai et en ressort le 25. J'en ai fini avec l'alcool. Définitivement je le sens, je le sais. Il me  faut maintenant en premier lieu renouer avec mes filles, retrouver le respect de moi-même pour me permettre de leur témoigner le même respect. M'occuper en deuxième lieu de mes affaires que j'ai laissées en jachères depuis 5 ans. Et puis de ce crabe qui me ronge. Malgré l'abstinence totale, le Maire continue son travail de sape. Il me discrédite, m'envoie inopinément voir le médecin conseil pour me faire subir des dépistages d'alcoolémie (!!!). Prise de sang, station debout sur une jambe, tests divers. Et l'humiliation n'est pas encore à son comble. Pendant ce temps j'ai retrouvé le Dr Protte qui me recommande un hépatologue de grand renom: Le Professeur Bronovicki au CHU de Nancy. Et je démarre les traitements. Ce sera interféron et rébétol. Il n'y a pas mieux sur le marché. Pas pire non plus quant aux effets secondaires. J'arrête toute activité, me terre chez moi. Les douleurs sont intenses. La dépression profonde. Aucun bénéfice n'étant à tirer de ce côté, je stoppe ce premier protocole après trois mois.Heureusement ce cher Dr Protte ne m'a jamais laissé choir. Il devient mon amer, mon seul réconfort. Oserais-je dire mon seul et unique recours. D'autant que Emilie, ma fille ainée tant chérie, a profité d'un passage à la maison en décembre de cette année 2002 pour embarquer toutes les photos familiales, souvenirs de notre passé commun. 12 ans après je n'ai toujours plus de contact. Dois-je lui en vouloir vraiment? Puis-je me permettre de formuler quelque exigence que ce soit?Je suis au trentième sous sol.

       Je reprends par alternance mes activités professionnelles. Par alternance car obligé de m'arrêter chaque fois que la violence de la situation au travail est trop insupportable. Je suis resté sous le seul rébétol quand le Pr Bronovicki me propose un nouveau protocole. J'ai décidé définitivement de donner un sens à ma maladie. Aussi suis-je prêt à signer pour n'importe quel protocole ou autre cohorte. Autant faire que ma situation serve à la recherche.Et puis j'ai confiance. Ce traitement proposé inaugure la tri thérapie. On rajoute au traitement originel le mantadix. Bof ! Aucun résultat probant. Au boulot je suis seul. Pas forcément contre tous d'ailleurs mais l'omerta s'est mise en place. On ne me parle plus. Alors aucun soutien à attendre de mon entourage tandis que les horreurs pleuvent de toutes parts. C'est à cette époque que commencent nombres expertises chez un psychiatre et chez un hépatologue de METZ. Les résultats sont tous en ma faveur. C'est aussi là, au retour d'une hospitalisation, que l'accès à mon bureau m'est empêché. Mon patron en a fait changer les serrures et le comité d'accueil composé d'adjoints au maire et de collègues me fait visiter mon nouveau lieu de travail. Un local à l'entresol de la Mairie sans téléphone ni ordinateur... Jusque là j'acceptais la punition mais cette injustice là , jamais!

       Alors  je décidai de la jouer fine. Je savais que côté boulot c'en était fini de moi. Mon travail de deuil était fait. Aussi adaptai-je mon attitude de façon à ce qu'elle soit la plus droite et la plus imprévisible possible. J'eus tôt fait de devenir le plus craint des collaborateurs, n'écoutant que ce que me dictait la raison, ma raison, avançant sereinement vers ce que je pensais bon et juste. Dans un monde fait de sinuosités, de compromissions et de bidouillages, chacun redoutait mon attitude rectiligne. Ainsi on ne m'aidait pas mais au moins on me foutait la paix. On se cachait à mon arrivée en mairie. De toute façon mon projet était simple. Quitter ce travail par un évènement mémorable pour les élèves et parents qui m'avaient tant et tant offert ainsi que la population toute entière qui m'avait toujours suivi, et puis donc partir le plus loin possible. Ce sera deux concerts mémorables, devant des salles combles, avec mes chers élèves de tous niveaux de l'école de musique agréée, autour d'un programme formidable. Bien sûr j'avais du me débrouiller tout seul. Ni la collectivité, ni mes collègues ne participèrent à l'organisation ou à la logistique. Pire alors que j'avais constitué un grand chœur pour la symphonie de Berlioz programmée et que je m'apprêtais à faire répéter bénévolement, la mairie me signifia son désaccord. Soit! on fera sans les chœurs pauvres andouilles. Aidé donc des seules jeunes musiciens, je réussis à contourner tous les écueils pour un concert qui fut certes funèbre mais au combien triomphal. Le Maire et son équipe n'auront pas d'autres alternatives que de venir me féliciter mais moi, j'étais déjà ailleurs: Sans l'amour de mes enfants, je ne voyais plus aucune raison de rester.

       Vacances d'hiver 2005 je rangeai mon bureau. Le 03 janvier 2006 tout était fini. J'avais vendu mes biens.

       Le 2 Avril je m'envolais pour une semaine dans l'Est kenyan. Et le 3 juillet j'y retournais pour m'y installer.

Attention! Quand vous vous demanderez au final

« Mais qu’est ce que je fais ici ? »

vous vous apercevrez alors que beaucoup de temps a été perdu en chemin.

Le vôtre assurément.

Et le temps précieux de ceux qui vous ont impatiemment attendus ailleurs, en vain! 

 

 

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