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Kongo River-Kenya

Histoire d'une renaissance

La vie après la mort.

 

 

         Connaissez-vous cette symphonie de Gustav Mahler, la deuxième,  qui se termine par un poème de Friedrich Gottlieb Klopstock  "Je mourrai afin de renaître" clamé par un chœur immense. J'ai cette oeuvre dans la peau depuis mon enfance. Résurrection! c'est son sous titre. Eh bien faisons donc comme ça! Et bien mieux que de  diriger le chef d'oeuvre, le vivre. 

        Ce 2 avril 2006, je débarque à Mombasa chez une amie qui s'est fixée 30 kms plus au sud. Une semaine intense. Je ne me suis jamais senti autant chez moi. Je me fais engueuler car je m'aventure un peu partout sans veiller à ma sécurité. Mais que peut-il m'arriver de pire que ce que je viens de vivre. Une agression? La mort? Des douceurs comparées à mon passé récent. Je commence à prendre les marques en vue d'une installation définitive. Si bien que lorsque je rentre en France le 9, je sais déjà où loger, sur quelle terre je souhaite m'installer, et que je dois me mettre sérieusement à l'anglais. Je sais aussi que je ne trouverai le salut qu'en me mettant à disposition de ceux qui, dans le plus grand dénuement, souffrent simplement de vivre: Le meilleur moyen pour cesser de me noyer dans ma propre errance. En attendant c'est à Nancy, chez ma compagne, que je me prépare. Elle et moi avions rompu depuis longtemps quand en janvier de cette année là elle se manifesta de nouveau. Avoir des nouvelles sans doute, m'en donner aussi. Trop tard. J'étais déjà parti vous dis-je. C'est ainsi qu'elle m'aida à préparer mon aventure, et que je l'aidai à préparer son diplôme universitaire. Si bien que quand le 3 juillet quand je m'envolai vers d'autres cieux elle obtenait son examen pour partir s'installer exercer à La Réunion.

         Le premier mois je logeai dans les dépendances d'un hôtel de la côte, le Sheshe beach, à Tiwi. dans le bâtiment des domestiques (comment les nommer autrement!). La patronne était indienne. Je n'allais resté qu'un mois. Elle refusait que je reçoive des noirs (!!!). L'affaire était entendue. Ceux qui me connaissent doivent sourire... La compromission et la lâcheté n'ont jamais été ma tasse de thé.

         Le bilan au premier soir, seul dans ma chambre devant un ordinateur portable, fut à mon image. Profondément triste. J'étais dans les entrailles de moi-même, à repasser mon histoire afin de comprendre, de bien comprendre. Il me faut m'absoudre, avant que de prier  les autres de le faire. Mes filles me manquent. Comment ais-je pu les entraîner dans cette galère. Bien sûr j'ai toujours tenté "d'assurer" mais est-ce ce que cherche un enfant auprès d'un père. Je me revois avec elles dans tous mes défauts et mes erreurs. Pendant tout ce mois juillet à la même heure les larmes me vinrent. Chaudes, amères. L'hôtel était désert et c'était tant mieux. Au silence intérieur s'ajoutait le silence physique. C'est là que je commençai à prendre les sons en horreur. Tous les sons! Et du silence me vint la méditation. Quotidienne. Je nageais deux kms par jour. Le reste du temps j'errai sur la plage de Tiwi à Diani (15 kms de sable blanc au bord de l'océan indien) et poussai chaque jour jusqu'à l'embouchure d'une rivière qui se jetait dans l'océan. J'appris plus tard son nom: The Kongo River. J'étais abordé par toutes sortes de beach boys parfois drôles, souvent exaspérants voire inquiétants. Inquiétudes justifiées puisqu'un jour décidant d'inspecter le bush alentour et empruntant pour cette fois une large piste que je pensais fréquentée, je fus attaqué par deux individus armés chacun d'un coupe-coupe. Ils surgirent des buissons, l'un derrière moi et l'autre devant. Pris de cours je me laissai dépouillé du peu que j'avais emporté. Ce fut ma première leçon. Ne pas résister aux attaques de loups affamés, marcher au milieu des chemins pour se donner du recul en cas d'attaque, et apprendre à "sentir" LA présence.

        Une semaine après mon arrivée j'étais déjà connu de toute la plage quand deux jeunes blacks vinrent me tenir un bout de causette. Ils étaient de la tribu Digo, une des composantes des 44 tribus que compte le Kenya. Encore une semaine et je pénétrais dans leur village. J'étudiai comment aider ces populations car si au départ j'avais des ambitions de faire des d'affaires, je changeai vite de stratégie et d'objectif. Que pouvais-je tirer de satisfaction à m'enrichir dans un tel chaos sur le dos de ces pauvres gens. De gagner sans gloire, on triomphe sans honneur. Si donc quelqu'un devait s'enrichir ici, je serai le dernier où jamais. Tout ce qui est facile ayant déjà été fait, il nous reste les choses difficiles.  Et  je n'ai jamais aimé ni pratiqué la facilité. C'était mon bâton d'honneur. Mon travail était de prendre des gens et de leur faire réaliser des choses dont ils ne se soupçonnaient même pas capables. En musique où ailleurs. Quel compliment quand l'un d'entre eux, après répétition ou concert, m'avouait "Je ne savais pas que j'étais capable d'un tel résultat, d'une telle prouesse"; Alors seulement  retrouvant confiance dans la nature humaine, je trouvais la vie un peu interressante. Il fallait que j'use de cette stratégie avec mes nouveaux amis. Des jeunes essentiellement, orphelins souvent. Remarquez bien qu'avec une espérance de vie de 46 ans (44 pour les hommes), le kenyan de base n'a pas le temps de s'emmerder sur la planète; Lui au moins!  80/1000 étant le taux de mortalité infantile, je supposai donc en plus que j'avais affaire à une population solide, la séléction naturelle s'étant faite à la naissanse. Ah occident béni, qui donne aux hommes la possibilité d'être réparés et aux enfants de survivre à leurs naissances. 

        En août j'aménageai dans une maison aux portes du village de Mwakamba, celui de mes potes. J'avais choisi l'endroit justement pour cette proximité. Chacun bénéficiait de mon confort: Electricité pour recharger les portables dont je les dotais, eau courante et potable, douches etc...Bref un "chez nous tous" où on pouvait simplement venir se reposer, parler, fumer, grignoter un bout sans cette peur de la vie qui les caractérisait tous. Je commençai sans rien demander à nettoyer le village. Rendre praticable les accès et agrandir les pistes. Débarrasser la population de leurs détritus avec quelques jeunes de 15 ans que je faisais bosser 4 heures par jour pour une poignée de shillings. Le reste du temps je les envoyais à l'école, et sillonnais les alentours pour doter mes voisins de pompes à eaux. L'achat de machines à coudre mises à disposition sera une première étape vers l'emploi des femmes. Pratiquant l'embouchure de la rivière, Le Kongo River, je dégageai un certain nombre de possibilités de ressources au travers le tourisme. Suivez- mon raisonnement: Ma pension ne me permettant pas de soutenir financièrement et d'une façon pérenne chaque famille, je me dis que le mieux était de créer des activités rémunératrices. La rivière avait une double fonction: Offrir une activité de pêche et ouvrir l'arrière pays aux touristes désireux de remonter le cours d'eau au travers la mangrove jusqu'aux villages intérieurs. Avec mes deux gamins, j'achetai deux arbres sur pieds, des cotonniers, que je fis creuser pour en faire deux grandes pirogues. Baptisées Natacha et Cécile elle vont permettre aux "captains" d'organiser des minis croisières à destinations des touristes créant ainsi une source de revenu pour les familles. Bien sûr la construction d'un club house s'imposa très vite. J'achetai les matériaux et les gars le construisirent eux même à leur goût Nous verrons comment cette activité va se développer plus tard. De me voir ainsi m'attira le respect de toute la population. On me rebaptisa Rajab et l'Imam souhaita que je porte son nom. Ainsi pour toute cette partie du monde je suis devenu Rajab Hamisi Amani. 

         Trois mois se sont écoulés. Comme prévu je m'envole rejoindre ma compagne à  La Réunion. Je souhaite m'entraîner physiquement car mon projet a évolué: Il me faut gravir le Kilimandjaro situé à un saut de puce de chez moi. Alors avec le relief tourmenté de l'île je vais être servi, d'autant que Cécile m'accompagne et me devance même dans mes efforts. Maffat, Cilaos, la Fournaise, tout l'intérieur de l'île est très exigent.Et puis il me faut faire suivre l'évolution du VHC, et faire soigner mes petits bobos. Après avoir aidé Cécile à s'installer plus définitivement et confortablement, je repars pour Mombasa. 17 autres voyages suivront. Mes yeux se sont taris. Ne restent plus que les regrets. Les terribles regrets! Ceux qui précèdent la nostalgie, qui elle même cède place à l'oubli.

 

C'est le fait d'un ignorant que d'accuser les autres de ses propres échecs.

Celui qui a commencé de s'instruire s'en accuse lui même.

Celui qui est instruit n'en accuse ni lui même ni autrui.

 

Epictète

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