Kongo River-Kenya

Kibwaga

Efforts redoublés

 

 

           Si Mwakamba est situé sur le territoire de Diani, rive droite du Kongo River, Kibwaga est situé sur sa rive gauche, juste en face, sur le territoire de Tiwi (Cf. Photos le départ). J'ai donc juste à traverser la rivière pour aménager là où moins je ne serai pas exposé. Le tourisme y est très peu présent et donc les charognards locaux très peu représentés. La police elle même hésite à s'y montrer. De plus c'est décidé avec Abdul, je vivrai avec lui et sa famille. Me voilà donc installé pour longtemps dans une maison en terre sans eau ni électricité que nous avons bâtie nous même. Nous décidons de nous lancer dans l'agriculture. En premier lieu il faut agrandir les bâtiments, y adjoindre des sanitaires et douches intérieurs pour nous et extérieurs pour les gars. Fabriquer de ses mains sa propre maison a quelques chose de jouissif. Quand tout sera définitif, nous remplaceront la terre par  la pierre pour vivre dans un endroit confortable, pratique et chaleureux. De suite il faut doter la ferme de son puits. Ce sera le 11ème à mon actif alors je maîtrise pas mal!  Comme tout se fait à l'os et que l'eau est à 20 m de profondeur  il nous faut user trois équipes pour le terminer. Je me heurte aux croyances locales.Désespérant! Une fois maçonné, nous le couvrons pour le confort des usagers car Abdul a décidé de le laisser ouvert à la population. Et pour faciliter le travail des femmes et leur éviter de trimbaler des tonnes d'eau sur la tête du puits à leurs domiciles, nous aménageons l'endroit en lavoir qui permet aux femmes de laver le linge sur place. Le soir, elles viennent le récupérer quand  Il est sec. Pour les libérer de leurs enfants, et comme j'ai eu l'opportunité de rapporter de France une valise de jouets, nous avons créé une halte garderie en plein air. Les jouets sont disposés sur des nattes dans la cour de ferme. Ainsi les petits, sous la surveillance tournante des mères, peuvent s'amuser en toute liberté et découvrir des jeux d'éveil occidentaux tellement bien conçus pour chacun d'eux tandis que leurs mamans elles s'activent au service de leurs familles. Pour le transport de l'eau de consommation courante nous mettons à leur disposition une brouette qui peut contenir 3 bidons de 20 L que nous sortons le matin à 5 h et rentrons le soir à 20 h. Depuis la mise en place de ces dispositions gratuites sommes toutes anodines, les femmes et les ados ne se plaignent moins de mal de dos. Parce que bonjour les cervicales et la colonne!!!

           Pour nos cultures j'ai proposé la construction d'un château d'eau, avec les moyens que nous allions trouver. Imaginez le regard dubitatif des gars qui ne savent pas ce que c'est! Abdul lui est mort de rire. Il me connait depuis des années maintenant, venant même me rendre visite en prison où, surprise, il me trouva complètement dans mon élément! Alors un château d'eau, après tout! Si Rajab le dit! D'abord trouver une pompe à eau qui va bien. Ce sera une pompe de relevage garantie pour 30 m de dénivelé. Puis 40 m de PVC. Un tank de 500 L qu'on va placer à 7 m de hauteur, et enfin un groupe pour alimenter la pompe avec 30 m de fil électrique. Nos finances étant exsangues, nous sacrifions un cocotier qui servira à surélever le tank. Un an après les insectes saperont notre idée et feront s'écrouler le bel édifice. Il nous faut alors  construire une tour en dur. Profitant de cette opportunité nous achetons une nouvelle citerne de 1000 L cette fois. Pas plus car l'eau stockée plus de trois heures dans le cumulus sort à plus de 30°. Il faut donc mieux actionner la pompe trois fois/jour pour 1000 L plutôt qu'une seule fois pour 3000 L Le système fonctionne à merveille. Aidé de plusieurs ados, nous enterrons des canalisations au travers la propriété et posons des robinets aux points stratégiques. Nous sommes prêts pour l'arrosage et l'irrigation. Les femmes enceintes et les vieilles personnes ont accès aux robinets pour remplir leurs jerrycans.

       Côté culture, nous plantons 50 orangers, 11 manguiers, des bananiers, goyaviers etc...Les champs sont semés d’épinards, tomates, pastèques, poivrons, maniocs, etc. Grâce à deux vélos, des pères de familles viennent tôt le matin. Ils cueillent et ramassent ce qui a poussé, et partent les vendre sur les marchés ou directement aux consommateurs. Le soir, il payent à Abdul ce qu'ils ont pris le matin et gardent le bénéfice comme salaire. Depuis ils ne mandent plus d'argent,...Mais du travail. Ces tas de micros emplois ont de plus cette fonction de rendre aux parents leur dignité. Tout cela est possible avec,en plus de mes ressources propres, l'argent collecté en France par l'association Kongo River-Kenya.

           Concernant l' élevage, nous commençons par acheter deux vaches. L'idée est de faire profiter de leur lait les enfants. Elles vêleront au bout d'un an. Encore une vache donc, et un mâle!!! A ce jour et grâce à de généreux donateurs, le troupeau compte 8 têtes qui partent chaque jour paître dans le bush sous l'autorité de notre vacher massai. La construction de l'enclos, de l'abreuvoir et de l'étable a été un grand moment de bonheur pour nous tous.

        Mais il me faut rentrer à nouveau. Ma santé demande à être évaluée précisément. Un bilan sanguin révèle une hépatite E contractée vraisemblablement par l'eau. Puis, suite à un scanner, on  détecte deux carcinomes cancéreux au foie. Bon encore ça à gérer! C'est le Dr Bazin qui traitera le mal par radio fréquence...Avant que je ne reparte. L'hépatite E disparaît d'elle même au bout de 3 ans me dit-on!. Bon en m'obstinant à repartir je vois bien que j'agace le corps médical, mais à quoi bon traiter un malade qui n'est pas bien dans sa tête. Et en France je ne vais pas bien. L'Afrique est devenue ma meilleure thérapie. Ceux qui connaissent l'endroit comprendront. Avant de repartir un nouveau traitement m'est proposé. L'antiviral s'appelle incivo. Premier mois le virus devient indétectable. Le Professeur me met en garde sur la fragilité du résultat. Il a raison. Je ne dois pas jouer l'enflamme. Le mois suivant, échappement au traitement. Mon compagnon de galère revient de plus belle. J'aimerais qu'il soit moins fidèle pour le coup! Allez! Le Kenya! Ca vaut mieux.

         De retour au village je sens bien qu'il me faut créer davantage d'emplois, et mes moyens sont si réduits! A l'association nous décidons de créer une société de pêche. L'achat de trois filets, l'aménagement d'un bateau ne sont pas suffisants. je profite donc d'un retour en France pour ramener des lancers, des moulinets, et des gaules. L'activité est lancée. Je trouve les leurres et hameçons à Mombasa, puis un magasin d'Ukunda nous propose ce service. J'en profite, aidé par un jeune ami Salim, pour proposer aux marins de réparer leurs bateaux avec de la fibre de verre, produit complètement inaccessible pour chacun. Ainsi naît un atelier de remise en état des bateaux. Et toujours cette activité de croisière sur la rivière à destination des touristes qui maintenant ont la possibilité de déguster des gambas, poissons frais et autres crabes grillés sur la plage à l'issue de leur balade. Nous rachetons deux pirogues.

        Hélas depuis quelques temps le touriste se fait rare. les événements politiques, la désinformation des médias occidentaux, et l'action des islamistes en Somalie en est la cause. Comme cette région puise une grande part de ses ressources dans l'activité touristique alors vous imaginez bien la situation. Ceux qui n'ont pas voulu nous suivre pour rester beach boys ou guides en sont pour leurs frais. In facto nous également car si nos clients restent nombreux, ils ne payent pas souvent. Face à cette violence simplement de survivre, j'essaie d'avoir un discours paisible et rassurant. Je découvre chez l'autre un sentiment que j'ai ressenti souvent par la passé: La peur de vivre...

Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l'homme,

ce n’est pas la mort elle-même,

mais la crainte de la mort ?

Epictète

 

            

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