Kongo River-Kenya

Epilogue

La fin d'un cycle

 

 

              Voyons ce que dit mon passeport. 18 "safaris" (voyage en langage swahili) au kenya. Ça commence à bien faire. Va-t-il falloir que je m'installe définitivement là bas maintenant que ma santé ne m'obligera plus à revenir si souvent sur le territoire français et que le temps ne compte plus? D'une part car après douze années, je commence à entrevoir la victoire sur ce VHC. Et d'autre part parce que j'ai abandonné toute idée de renouer avec mes si chers enfants. Le chagrin, cette immense détresse, s'est transformé comme prévu en mélancolie. Qu'importe puisque toute ma vie aura évoluée dans les limbes de cette nostalgie chronique, cette mélancolie sans cause ni but si ce n'est de traîner avec délice cette grisaille si bien exprimée dans ce lied de Brahms que je vous invite à écouter dans la version de Janet Baker: "Gestillte Sehnsucht", Op. 91,No. 1, ou toute autre prestation de Léonard Cohen. Il est toujours difficile d'être le quelqu'un de quelqu'un d'autre ais-je écrit un jour à Natacha qui d'ailleurs en a convenu. Elle se sera mariée sans moi le 28 juillet 2012 puisque je n' étais pas convié. Oui, être le père de ses enfants n'est décidément pas chose aisée! Tout comme être l'enfant de ses parents je suppose.

             Tombe l'ultime drame de cette histoire. Après une grave hémorragie où l'on craignit pour ma vie, ma famille, maman en tête, renoua avec moi après 10 ans de silence. Nous commencions à construire une nouvelle relation quand arriva ce 19 septembre 2013. Un SMS de ma sœur aînée m'annonçait que Emilie que je n'ai pas vue depuis 12 ans avait accouchée d'une petite fille. Bref que j'étais grand père quoi! J'arrive à joindre maman pour lui demander ce qui se passe. Elle me répond que ma fille avait fait promettre à toute la famille de ne pas m'alerter de sa grossesse; Et que in fine je ne connaîtrais jamais cet enfant CQFD. Je lui demandai ce qui l'avait encouragée, dans mon attitude en janvier 2013, à faire une telle promesse. Je n'exige pas d'excuse, et comprends aussi qu'une promesse doit être tenue. Seulement pourquoi une telle promesse? Cet événement sonna le glas lugubre de toute relation avec cette famille désespérante.

             Le VHC continue sournoisement son job de virus. Qui est d'emmerder le monde la moitié du temps. Je sens que maintenant il est plus difficile pour moi de me relever des coups. Savez-vous que les maladies de foie jouent énormément sur le moral et l'état psychologique du patient. Prenez... vous, tiens, un lendemain de cuite. Reconnaissez que la crise de foie qu'inévitablement vous développez le lendemain nuit à vos rapports sociaux! Alors c'est pas une preuve ça? Eh bien là pareil. Plus sérieusement mon retour en mars 2014 ne s'annonce pas sous les meilleurs cieux. Le fait d'avoir raté mon avion retardant ainsi mon retour me met la puce à l'oreille. Dès la première visite au CHU je vois bien le problème. Moi qui avait renoncé à la greffe pour préférer m'éteindre dans le calme! Sur liste d'attente depuis deux ans maintenant, j'avais décidé que le Kenya, mieux que le Morvan, était le bon endroit pour conclure. Seulement là mon état ne me permettait même pas d'imaginer repartir. Dilemme. Le Pr Bronowicki fait le nécessaire pour que mon cas soit considéré en urgence. Mouni son assistante sait trouver les mots justes sans doute. Cette praticienne que j'adore restera mon alliée dans les quatre mois difficiles qui vont suivre. Et puis l'équipe d'infirmière toute entière m'apporte tellement de compétences et de soutien. J'ai l'impression que les choses dépassent le cadre personnel. Je décide de lâcher prise et pour une fois me laisser guider. Et quand le téléphone sonne ce 22 juillet à 9 h, après m'être fait extraire des litres d'ascite chaque semaine des deux mois précédents, je me laisse porté par l’événement. La fondation transplant du CHU de Strasbourg se propose de m'offrir un nouveau foie pour midi. Attention pas pour le déjeuner hein! En vrai! Merde! Escorte policière en tête je rejoins l'hôpital. 1 h 20 pour 220 kms. L'ambulancier s'est régalé je pense. Moi un peu moins! L'accueil est à la hauteur. Comprenez que dans une telle situation et avant de parler d'équipe, chacun  DOIT individuellement inspirer confiance au patient. Vu que depuis douze ans je n'ai personne sur qui m'appuyer et que c'est seul que j'affronte chaque fois les moments douloureux et difficiles de la maladie, j'ai besoin de rationnel. Là chacun est à sa place. Tout est réglé comme du papier à musique si je peux m'exprimer ainsi sans allusion à mon passé. 1/2 h après mon arrivé me voilà conditionné, allongé à la porte du bloc avec l'équipe chirurgicale penchée au dessus de moi. Une dernière pensée pour le Dr Protte et l'équipe d'hépato-gastro du CHU de Brabois, un dernier mot entendu curare me semble-t-il, et c'est parti pour 8 à 10 heures de sommeil sous le scalpel bienveillant du Dr Pietro Addéo, un chirurgien de 35 ans qui viendra par la suite jusqu'à faire mes pansements dans ma chambre. Un sacré mec. Connaissez-vous Mozart? Eh bien là pareil le même. Le voici à gauche sur la photo.

Dr ADDEO

           Deux jours de réanimation, trois de soins intensifs, dix passés en service et me voilà dehors.Le mercredi 6 août au soir, j'allais seul déguster quelques mirabelles juteuses au verger de mes amis. Bien sûr tout cela nécessite une surveillance soutenue. Elle sera assurée par un personnage singulier et épatent, le Dr Ellero (Nous l'appellerons ici Bernard), assisté par une équipe au top. Finalement cette damnée saloperie m'aura permis de rencontrer des gens assez exceptionnels, et en premier lieu cette famille inconnue qui le jour même du décès de l'être cher accepta qu'on lui prélève cet organe qui allait me sauver la vie. Ainsi à défaut pour moi de pouvoir  remercier une famille en particulier, je me dois de les louer toutes. Il faudra bien que je porte ça, aussi! Bernard m'annonce très vite que je peux programmer un retour au Kenya pour Décembre (2014 eh oui!!!). Incredible! J'aime cet homme qui a compris que j'ai fait tout ça pour vivre et non pas survivre, mon but étant uniquement qu'on me donne du temps afin de poursuivre mon projet. Tout est mis en place à Strasbourg  pour que mes attentes soient exhaussées.

                J'ai cessé le traitement antiviral il y a quatre semaines maintenant. Je reçois ce jour du Dr Barraud (Que la confidentialité m'oblige à appeler Hélène), coordinatrice post-greffe du CHU de Nancy, les résultats de la dernière prise de sang. Le virus n'est toujours pas détectable. Si c'est encore le cas dans 8 semaines, Inch allah, j'ai réussi. Et si ce n'est pas le cas ça ne m'empêchera pas de vivre quand même. De toute façon je continuerai d'avancer. N'ais-je pas un Kilimandjaro à escalader avant que la neige n'en disparaisse complètement. Décidément le fond de l'air se réchauffe! Peut-être au final "un merveilleux malheur" que cette tranche de vie...(Pour citer Boris)

 الحمد لله‎ 

Cool Dernières news.

Retour Kenya: Jeudi 1er janvier 2015 à 22h05/Paris CDG-Mombasa [via Addis Ababa]

Mardi 9 décembre 2014: Je ne suis plus porteur du VHC.

 Al-ḥamdu lillāh 

 

Il est absolument possible qu’au-delà de ce que perçoivent nos sens

se cachent des mondes insoupçonnés.

Albert EINSTEIN

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