Kongo River-Kenya

Mwakamba

Réfléchir et agir

 

   Beach shop                    La boutique du village                    Natacha shop

 

            Comme à chaque fois j'arrive avec deux valises et un sac à dos. Un bagage de médicaments, un chargé d'habits pour les habitants et le sac pour mes effets personnels. La remise des vêtements et de produits d'hygiènes permet à chacun de garder, malgré la pauvreté, une dignité. La dignité ne se lit pas dans le regard de l'autre, mais dans le respect que l'on témoigne à soi même. C'est le crédo que je martèle à qui veut l'entendre.

            J'ai quitté la maison pour une autre, comme ce sera le cas à chacun de mes retours. J'ai appris à ne jamais rester à la même place d'un séjour à l'autre, sécurité élémentaire oblige,si je ne veux pas me faire piller, subir un coup monté, où être victime d'un envahissement permanent. Chaque séjour doit aussi répondre à une série d'objectifs propres et évaluables, avec des partenaires et des interlocuteurs qui peuvent être potentiellement différents. Ainsi s'explique le fait qu'à chaque retour, en plus du changement de domicile, je change également de téléphone. Pour cette fois je me suis éloigné du village initial, Mwakamba, alors que je vais y travailler de plus en plus.

          D'abord il faut maitriser le prix des denrées qui au Kenya peut fluctuer au gré des évènements politiques ou autres. Ouvrir des boutiques de produits de première necessité me parrait une bonne chose (Photos ci-dessus). Ils sont gérés par des gens du village qui voient ainsi leur seule source de revenu. Et quand les prix montent partout ailleurs, je subventionne les magasins que nous avons créés pour que les prix y restent stables sans perte de marge pour les gérants. Ca ressemble étrangement aux subventions agricoles de l'Europe non? Sauf qu'il s'agit ici d'une situation temporaire, un"starter", et non d'un assistanat CQFD. Et ainsi de retours en retours, sillonnant la contrée, je vais découvrir des situations, pas toutes dramatiques d'ailleurs, et participer à la mise en place de réalisation autour des soins, de l'agriculture, de puits et pompes à eaux, dans des endroits où les enfants n'ont jamais vu de "mzungu" (Blanc), et en partageant la vie quotidienne de la population. On me surnomme  "bushman". Je me suis doté d'un vélo qui me permet d'aller plus loin, plus vite aussi. Un sac  bourré de médicaments et de nécessaires aux soins sur le dos et je pars au premier signalement. Malaria, staphylocoque doré ou non, douleurs diverses, insoutenables souvent, Il me faut remettre les malades sur pieds rapidement car là bas, pas de sécu, pas de rsa, pas de congé maladie ou d'indemnités qui vaillent. Tu bosses tu manges, tu bosses pas tu crèves. Et ta famille avec. Ou bien ta femme en prend un autre plus sûr, plus fiable. 50° en plein bush en saison sèche, je ne grossis pas beaucoup mais le corps est un outil fabuleux qui s'adapte à merveille. Parfois je fais de mauvaises rencontres comme ce jour où, parti chercher un traitement anti malaria en pharmacie, mon vélo me lâcha. Sitôt deux bandits de grands chemins me sautèrent sur le poil et m'immobilisèrent. Et volèrent mon sac. C'est ainsi que j'appris qu'il fallait bien faire réviser son vélo avant de partir, et que plutôt que d'aller vite dans le bush, il ne fallait jamais s'arrêter. Sinon...! J'aime terriblement ces lieux qui ne pardonnent rien, où chaque négligence ou bravade se paye cash. J'apprends de moi, j'apprends des autres. Dans cet endroit qui m'enseigne patience et humilité. Lendemain de cette attaque. Un jeune du village que je connais m'annonçe, conformément à la bienséance, que l'Imam sollicite une entrevue et qu'il allait se pointer dans l'après midi. Le moment venu et après les palabres traditionnelles fort longues, Hamisi Amani me rendit mon sac volé la veille et qu'il trouva devant chez lui au lever. Passeport, papiers, carte bleue, médicaments, tout y était. Sauf 500 shillings, et mon téléphone. Mes voyoux en avaient tout de même extrait la carte sim avec bien sûr mes contacts pour la glisser dans une des pochettes du sac. C'est là que je compris le respect et l'attention dont on faisait preuve ici à mon égard.

            A l'embouchure du Kongo River se trouve une mosquée. Derrière s'étend une large et longue bande de terre surplombant le cours d'eau. Après l'obtention de l'autorisation de la communauté musulmane et avec deux capitaines, nous décidâmes d'y planter du maïs en vue des mauvais jours. Après débroussaillage, nettoyage, semailles, et construction d'une cabane tout confort pour dormir sur place afin de protéger, les nuits, nos plantations des singes et autres voleurs, nous eûmes le bonheur de voir notre voeu exaucé. Le Jardin d'Emilie avait tenu toutes ses promesses. Si bien que l'opération dure encore avec en plus tomates, pastèques et poivrons. 

           Et puis un jour, de retour à la Réunion, je compris que c'était fini. Ma compagne  avait cessé de m'aimer. C'est depuis lors que mes séjours au Kenya alterneront avec la France métropolitaine. Le retour en France métropolitaine fut un crève coeur. Si près géographiquement des miens, et impossible de leur dire comme je les aime. C'est dur. Je dois repartir et vite. Entre-temps je rencontre des gens qui sont prêt à créer une association active pour soutenir financièrement les projets. Nous reprenons le nom de la structure que j'avais créée naguère: Hakuna Matata Ltd. Quand je repars pour la dernière fois sous cette égide, ma mission est d'électrifier l'école de Mwaroni, situées aux portes de Mwakamba. 1500 élèves sans eaux ni électricité. Je m'étais déjà occupé de les doter d'un puits et d'une pompe à eau. Aidé des profs et de parents d'élèves qui n'avaient même pas l'électricité chez eux, je dus faire face à l'administration kenyanne, et aux diverses procédures. La quatrième dimension! Bref vint le jour où l'on fut raccordé. J'assurai moi même les branchements et éclairages. Et c'est en revenant un soir au cottage, après avoir pris des photos de l'école illuminée, que j'eus droit à un commité d'accueil somptueux. Mon propriétaire avait monté une arnaque avec ses potes de la police afin de m'extorquer de l'argent. Je fus embarqué, traîné devrais-je dire, sous escorte lourdement armé, conduit au poste, puis au tribunal de Kwale, et enfin à la redoutée Shimo La Tewa capital prison. Je ne connaissais pas. Je vais connaître. En même temps certains prisonniers sur les 4000 me connaissaient pour avoir fait appel à mon aide par le passé. Aussi fus-je vite protégé par la totalité de la communauté pendant le mois et demi que dura mon incarcération. Le plus beau souvenir me tire encore les larmes: Le Consul honoraire réussit à me faire passer un mail de ma Natacha. Je dus louer les lunettes d'un prisonnier pour la lire. Inoubliable moment, inoubliable contenu! J'en appris le texte par coeur. Nous étions en décembre 2008. A ma sortie je pesais 46 kgs. J'avais attrapé la malaria (palu) et j'avais été privé de mon traitement VHC. Je dus resté une semaine pour être en état de prendre l'avion, puis rentrer en métropole. Nous étions en Janvier 2009 et je venais de passer noël et jour de l'an en prison. Ce sera la fin de Hakuna Matata Ltd. J'allais repartir avec une autre association: Kongo River-Kenya. Les membres se proposaient de recevoir des dons de toutes sortes qu'ils mettraient en vente au cours de diverses brocantes. L'argent récolté va permettre de développer singulièrement notre action au service des plus vulnérables. Contre l'avis des autorités, du Consul et de mon avocat, trois mois après je reprenais l'avion  pour Mombasa. La pègre ne dirigera JAMAIS ma vie. Et puis quoi encore! Nous étions en juin 2009.

           En revanche il n'était plus question pour moi de rester basé à Mwakamba. J'optai donc pour l'autre versan de la rivière, le village de Kibwaga.

 

Passer le temps passé.

Chercher dès aujourd'hui les amours de demain,

Les chemins pour plus tard.

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